La Mora, navire utilisé par Guillaume le Conquérant pour envahir la Grande-Bretagne en 1066 est en cours de reconstruction sur un chantier spectacle en Normandie, désormais ouvert aux visites.
Il s’appelle La Mora, comme l’original, et mesurera 34 mètres de long et 5 mètres de large, les dimensions estimées de son homonyme. Le plan est de le faire ramer à travers la Manche presque 1 000 ans après que Guillaume ait été couronné roi d’Angleterre suite à sa victoire sur Harold à la bataille de Hastings.
Le chantier est une “expérience archéologique”, ce qui signifie que La Mora est construite fidèlement à l’époque. Aucun outil électrique ou technique moderne ne sera utilisé et toutes les découvertes seront partagées avec les universités et les chercheurs pour faire progresser les études archéologiques.
Les outils sont fabriqués sur place par des forgerons selon les exigences du projet.
Bien que “plutôt rudimentaires”, selon Nicolas Havarv, médiateur culturel pour La Mora, les marteaux, haches et planes prennent souvent une journée entière à fabriquer.
Le chêne pour le nouveau navire a été prélevé dans la Forêt de Bellême, à proximité.
“Il ne doit pas être trop jeune, mais de même, il ne doit pas être trop vieux ni avoir de nœuds”, a déclaré M. Havarv, “nos charpentiers ont donc mis plusieurs heures à choisir les bons arbres.”
“Le cœur du projet est cette recherche scientifique : les problèmes que nos charpentiers rencontreront seront les mêmes que ceux auxquels les charpentiers du XIe siècle étaient confrontés.”
Les visiteurs peuvent observer la construction du navire et en apprendre davantage sur les préparatifs de la traversée, ainsi que sur la bataille. L’objectif est d’accueillir 150 000 visiteurs dès la première année !
Il y a une expérience immersive en réalité virtuelle, qui inclut les craquements et les mouvements du navire ainsi que le bruit des chevaux respirant.
Une expérience culturelle et historique
Jean-Marie Rousseau, président de l’Association La Mora, à l’origine du projet, a plaisanté : « Nous visons beaucoup de visiteurs anglais – tant qu’ils ne sont pas rancuniers. »
« L’expérience immersive peut être en anglais ou en allemand, selon la demande, et presque tout le personnel sur place est bilingue, voire trilingue ou quadrilingue. »
On espère que le projet fournira des informations précieuses sur les techniques de construction navale du XIe siècle.
Environ 15 à 20 personnes travaillent à la construction du navire, généralement en équipes de cinq, avec l’aide de bénévoles. Il est logé dans un hangar spécialement construit sur un terrain en friche à Honfleur (Calvados).
Des médiateurs culturels et historiques sont présents pour observer et discuter de tout problème, qui sera également examiné par des historiens des universités voisines.
Ils collaboreront avec un musée à Roskilde, au Danemark, qui a construit plusieurs répliques de bateaux en utilisant des techniques de cette période.
Un cadeau de sa femme
L’original La Mora a été offert à Guillaume le Bâtard, comme il était alors connu, par sa femme, Mathilde de Flandre.
Une théorie est que son nom est un anagramme de amor, signifiant amour, mais cela est débattu. Il était propulsé à la fois par une voile et par un équipage de 60 rameurs.
Bien qu’il ait une proue et une poupe symboliques, il pouvait être ramé dans les deux directions.
Il a mené une flotte de jusqu’à 600 navires – les estimations historiques varient – et était de loin le plus grand et le plus rapide.
Guillaume se serait arrêté au milieu de la Manche pour attendre le reste de la flotte, profitant du lever du jour avec un petit-déjeuner et du vin, avant de finalement débarquer sur les côtes de Pevensey, dans l’East Sussex.
« Il est similaire à un bateau viking mais plus souple et durable », a déclaré M. Rousseau.
La seule représentation visuelle connue de La Mora se trouve sur la Tapisserie de Bayeux, qui décrit la conquête normande, mais elle est mentionnée dans plusieurs récits historiques.
L’objectif est de mettre la réplique à l’eau en 2027, 1 000 ans après la naissance de Guillaume le Conquérant. Elle traversera probablement la Manche en 2030.
M. Rousseau a déclaré qu’une « partie de l’ADN » du projet est un aspect social, car l’association travaille avec des jeunes en situation de décrochage scolaire ou professionnel pour les aider à s’adapter à la vie professionnelle.
Le projet est estimé à environ 12 millions d’euros, dont 40 % seront financés par des subventions et des aides publiques, et le reste par des prêts bancaires remboursés par les revenus des ventes de billets, du café et de la boutique de souvenirs.
Pour en savoir plus, rendez-vous sur la-mora.org.